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Je me suis exécuté pour n'avoir pas l'air d'un dégonflé.Qu'aurait pensé Salem de ma lâcheté?Je me
suis dirigé vers le grand marché où on m'avait dit qu'il y aurait foule.En faisant "dring,dring" comme
pour écarter les passants,tout s'est passé exactement comme on me l'avait dit.Ce fut le grand
"plouf";sans même que je sente la petite fraîcheur sur la nuque,l'argument de vente du docteur
Guuillotin,un de mes rares souvenirs de la Révolution française.Anéanti par la trouille et pour une
fois le cul bien serré,j'ai fait ce qu'on m'avait demandé.
Hélas,au Paradis d'Allah je n'ai pas trouvé de dégoutantes filles amoureuses nageant vers moi
comme des méduses dans un lac de lait sucré au miel.C'est un grand vide sidéral qui m'a accueilli..
En consultant Google interstellaire j'ai appris que j'avais tué cinquante pères de famille afghans
qui faisaient leurs courses et onze soldats italiens de l'Otan qui se préparaient à rentrer dans
leurs foyers.Mon bonheur d'avoir donné satisfaction à Salem était terni par la honte d'avoir
causé tant de souffrances. en confondant .
Que mon exemple serve à quelque chose!Que je sois le dernier des jeunes de banlieues à
partir pour le Djihad en confondant,comme je l'ai fait,l'amour d'Allah avec la passion pour un
bel émir!C'est pour ça que je vous envoie par Canalblog ces pages qui racontent l'histoire
du jeune Babib;dit Bibi.Il aurait mieux fait de rester le bien-aimé de ses parents plutôt que de
mourir à dix septans en martyr de l'Islam.Pour seule récompense sa photo leur a été envoyée
avec des louanges;ainsi qu'à lamédersa où elle fut affichée,sans mentionner qu'il était mort,non
du sida,mais d'un amour un peu spécial pour un jeune émir,Salem, dont lenom,en gauloid,
peut se traduire par "la paix",ce qui fait ,avouez-le,un peu bizarre vu les circonstances.
.
Mais pourquoi regretter quelque chose?N'était ce pas "mektoub",c'est-à-dire écrit dans les
cieux?C'est Bibi,c'est-à-dire moi-même,qui vous le dis.
Je sentis mon coeur battre comme une darbouka entre les doigts d'un gnaouïa.Je frissonnais de
tout mon être comme si j'avais froid.Brusquement nos bouches se joignirent et nous avons arraché
nos vêtements.C'est alors qu'il me retourna comme une crèpe son bras puissant,puis me pénétra
d'abord trés doucement puis trés vigoureusement.Tout le reste suivit,que ma pudeur presque fémi-
nine m'empêche de raconter,pour peu que je m'en souvienne car j'étais dans les vap's.Nous étions
allongés sur le dos comme des soldats morts aprés la bataille ou des frères siamois,lorsque,dans
un sourire,les yeux battus,il me dit comme pour m'allècher:"Tu verras,le Paradis,c'est encore
mieux!".C'est alors qu'il m'a confié ce qu'il ne m'avait jamais dit.Malgré sajeunesse il était un émir
de la Base.Al Qaida,aprés des cours accélérés de langues;l'avait envoyé en Europe pour
re cruter ,surtout en Grande-Bretagne et en France,là où il y avait beaucoup d'enfants d'immi-
grés qui peuplaient les banlieues des jeunes qui seraient prêts à partir pour l'Afghanistan et
donner un coup demain aux talibans.
Un mois s'écoula sans mettre le nez dehors,sauf pour acheter des surgelés;à faire l'amour
comme des dieux;à réciter le Coran entre deux étreintes.Je sentais monter en moi,plus vif
chaque jour,mon amour pour Salem qui se confondait avec l'amour d'Allah.Comme chez les
chrétiens,Salem devenaitmon Dieu incarné,mon Dieu vivant.Je cherchais sans cesse,comme
une bête,le contact de son corps d'athlète où se dessinaient des muscles fins d'aristo.Je buvais
sa parole douce alternant avec des mots de feu.Un jour,aprés une séance particulièrement
mouvementée,il me dit sur le ton de la confidence:"Sais-tu d'où vient magrande forme?C'est de
l'entraînement que j'ai suivi dans les zones tribalesdu Pakistan,là où les talibans sontl les
maîtres,dansun camp de guerriers du Djihad.J'y ai tout appris:les marches forcées dans des
déserts de pierres,le close-combat,le maniement des armes et même comment égorger sans
bruit un mécréant en lui tranchant la nuit la carotide pour lui faire le "sourire kabyle",comme le
faisaient au tempsde ton père les glorieux fellagas avec ces salauds de harkis.Mais on m'a
interdit de faire le kamikaze parce que je suis trop intellligent pour mourir dans un attentat-suicide
et plus doué pour le recrutement et la propagande que pour l'action directe.Ce n'est pas ton
cas,mais tu as le choix entre croupir dans ta banlieue sinistre et mourir pour la gloire d'Allah".
Ce "choix" me rappelait mon père l'épicier,mais cette fois il ne s'agissait pas de pommes ni de
tomates.Il fut fait dans l'heure et je le dis à Salem.Il m'embrassa et et m'informa qu'avant le
sacrifice suprême il fallait que je fasse un petit stage dans une médersa pour affermir un peu
plus ma foi.
La semaine d'aprés,acompagné jusqu'aucar par mon cher Salem,je me suis embarqué pour le
Pakistan,déguisé en touriste et le portefeuille bourré de dollars,avec pour terminus Islamabad
.où se rendaient aussi d'autres jeunes de banlieue et même Alain,alias Mansour,un abruti de
catho converti. depuis peu.Pendant tout le voyage j'ai embrassé sur mon I-pad le visage de mon
beau,de mon cher Salem,comme une précieuse amulette qui m'aiderait à supporter ce qui
m'attendait;à masquer un peu l'odeur forte de mes compagnons.A la médersa,un bâtiment
délabré où iln'y avait pas de corvée de ménage,je ne me suis pas mêlé à la bande de morveux
qui récitaient le Coran en faisant un boucan pas possible,en se balançant comme les juifs au
mur des lamentations.Dés que le directeur m'a juge assez instruit et mûr pour le Djihad j'ai été
embarqué dans un vieux camion réservé à cet usage,avec d'autres qui avaient l'air encore
plus cons que moi.Arrivé àKaboul,j'ai été pris en charge par des talibans ,tous barbus,aux
allures de bêtes féroces,des étudiants qui n'avaient rien à apprendre du mode d'emploi de la
kalachnikov.En quelques mots trés simples qui avaient l'air de sortir du manuel du soldat de
la Kapissa,on m'expliqua ce qu'onattendait de moi:tuer le plus de monde possible avec une seule
charge d'explosif,car il fallait l'économiser.La seule chose qui fit débat dans une assemblée de
chefs dontune tarte épaisse ornait la tête fut le mode d'emploi.Cerains voulaient que je la cache
dans le béret afghan,mais elle était trop grosse et ça risquait d'éveiller les soupçons.Aprés un
comptage trés démocratique des voix,une majorité se dégagea pour que je la fixe avec un fil
élecrique au cadre d'un vieux vélo qui paraîtrait inoffensif,en reliant le détonateur à la sonnette
j
mosquée la plus proche.Enfin,comme je m'étonnais de l'absence de meubles que remplaçaient des
nattes tissées à l'or fin et des Kairouans somptueux faits main,il me répondit que le mobilier est le
symbole de l'attachement de l'homme aux biens terrestres,alors que l'Islam exige qu'il s'en détache,
comme l'ont bien compris les bédouins sous leur tente ainsi que Khadafi.Enfin,je n'ai pas osé le
contredire lorsqu'il ajouta bi
vvPuis il cessa de parler pour fixer l'horizon,comme s'il était fatigué ou habité par son démon.Puis
il reprit son prêchi-prêcha dans son arabe trés pur,presque littéraire,trés lointain de mon sabir
franco-arabe,pour me dire avec ferveur:"Sais-tu où va le bon musulman qui meurt au Djihad?Au
Paradis d'Allah où il pourra choisir pour chacune de ses nuits quelques unes des onze mille
vierges qui l'attendent,ardentes et consentantes;où coulent des fleuves de lait et des ruisseauJe
de miel;où Mohamed est monté par une nuit de pleine lune qui éclairait les nues,monté sur son
cheval blanc.Rappelle-toi le onze septembre,ce jour béni pour l'éternité,cet exemple que nous
ont donné des vrais croyants qui se sont sacrifiés pour nous tous.Je ne me sentais pas trop
concerné par ces trés belles paroles.Les femmes n'étant pas mon fort,je m'en méfiais,surtout
des pucelles.De plus j'ai horreur de tous les laitages qui me rappellent les moments pénibles où
ma mère voulait encore me donner le sein alors que j'avais quatre ans.Quant au miel,pour
moi c'est du vomi d'abeille qui me donne la nausée,sauf quand il enrobe les gâteaux de fête,
je ne sais pas pourquoi
Mais tout cela devait changer par un beau soir d'été où,comme chaque jour,je rencontrais Salem
qui était toujours sur ma route comme par un fait exprés.Il m'invita à boire un thé à la menthe et
aux pignons dans ce qu'il appelait sa "petite maison d'Allah".En fait,c'était une trés belle villa.J'ai
demandé à Salem d'où venait l'argent du loyer et pourquoi il n'avait pas choisi,pour la vue,
l'étage élevé d'un bel immeuble.Iln'a pas répondu à ma première question.A la seconde,ce fut
pour me faire savoir qu'en signe d'humilité un bon musulman ne doit pas se loger plus haut que
la plus haute coupole de la
-
né par ces trés belles paroles.Les femmes n'étant pas mon fort,je m'en méfiais,surtout des
qu'aux jeunes comme moi ou aux athées mais à tous les infidèles pourvu qu'ils prononcent les mots
sacrés aprés s'être fait circoncire.C'est alors seulement qu'il me délivra et que j'ai pu rentrer chez
moi en gueulant,en pleurant,en soutenant mes tripes,les cuisses pleines de sang séché.
Quelques années plus tard j'ai fait la connaissance d'un jeune pakistanais qui venait de Birmingham.
Quand je lui ai demandé pourquoi il était venu à Issy,il m'a répondu que c'était en touriste,cequi m'
a étonné vu le charme de nos grands ensembles.Nous avons beaucoup marché en parlant de la
circoncision comme de vrais adultesI.Il était trés savant et m'a expliqué que bientôt elle serait
universelle.Déjà 4O% des suisses et des chrétiens britanniques la pratiquaient sans craindre
d'être confondus avec des juifs ou des musulmans et ça se faisait aussi chez 7O% des améri-
cains et IOO% des chrétiens coptes d'Egypte.Bientôt ce serait tout le globe terrestre car c'était
la résurrection,pacifique mais efficace,de l'Islam des conquêtes.
Un jour,je me baladais seul,mains dans les poches de mon survêt' de luxe en me demandant
ce que j'allais bien pouvoir faire de ma putain de journée,car je n'avais pas envie d'aller voler.
Soudain j'ai entendu derrière mois un pas précipité et une voix essoufflée qui criait"stop!
Astenna Bibi!".C'était mon pakistanais,accompagné d'un drôle de type à longue barbe noire,
vêtu d'une sorte de chasuble aussi blanche que la calotte qu'il avait sur la tête.Il avait le teint
clair et même pâle,un teint qu'on ne voit jamais dans les grands ensembles.Au début il m'a
amusé,avec son air renfermé,avec sa barbeet sa camisole qui le faisaient ressembler à un
essaim de mouches tombé dans une tasse de lait.Le pakistanais nous présenta l'un à l'autre.Il
s'appelait Salem et nous nous sommes embrassés à la mode arabe,épaule contre épaule.Le
pakistanais disparut aussitôt et nous nous sommes promenés,au début sans parler,en nous
tenant par le petit doigt,ce que j'ai tout de suite trouvé trés sympa.Puis,aprés avoir dépassé le
terrain de foot où,au lieu d'être en classe,des gamins de couleurs différentes s'acharnaient à
jouer à Zidane en se faisant des passes,parfois à soi-même,des crochets et des passements de
jambe,Salemme prit doucementpar le bras en me disant"laisse ces idiots!Ils seront peut-êtreun
jour pleins d'argent mais ils n'auront jamais les vraies richesses,celles qui viennent de la Foi,
celles qui s'offrent au bon musulman.J'ai des choses à te dire,des choses bien plus intéressantes
que de taper du pied dans un morceau de cuir.".A cet instant son front se fissura de rides
comme le sol aprés un tremblement de terre.Ses yeux brillaient d'un feu intérieur,comme les
braises d'un kanoun que le vent attise..Je trouvais un peu bizarre qu'il m'appelle sans arrêt "fils"
ou "frère",puis je me dis que ça devait être l'usage,là d'où il venait,ce que je ne savais pas
encore.Il parlait beaucoup,trés bien,en fixant la pointe de ses babouches,avec des gestes qui
me rappelaient ceux du prêcheur dans le minbar,comme je l'avais vu faire à la Grande Mosquée
de Paris,la seule fois où j'y ai accompagné mon père.Il finit parme dire qu'il venait du Yémen,un
pays trés pauvre mais de grande foi.Il affirmait que,bien aprés la fin du colonialisme officiel,
l'Occident traitait les musulmans comme des chiens,exploitait honteusement leurs richesses;les
bafouait et les méprisait.Ilfallait rendre coup pour coup,se venger en faisant le Djihad.Ce n'était
pas,comme le prétendent les soufis,ces médiocres trop tièdes,presque des traîtres,une lutte
intérieure du musulman contre ses mauvais penchants ou ses instincts pervers,mais un combat
armé,prôné par les salafistes qui veulent que tout soit réglé par le Coran et la Charia et que
soientà nouveau soumis,"d'himis",ceux qui pendant des siècles aprés de funestes croisades
qui n'avaient jamais pris fin,ceux qui avaient persécutés les disciples du Prophète..Les chiens,
c'esr chez les roumis qu'ils se trouvaient.
Les traits de Salem s'étaient alors froissés dans un affreux rictus.Il crachait par terre en signe de
mépris.Alors qu'il n'avait pas l'air d'être beaucoup plus vieux que moi,il me semblait presque
aussi "chibani"(vieux) que mon père.Brusquement,il dût avoir trés chaud car de pâle il était
devenu aussi rouge que la harissa du couscous.Il ôta sa calotte et j'eus devant moi un mont
chauve,le crâne nu d'un
aménageurs.Avec mes copains j'y avais fondé une seconde famille.Aprés avoir tapé les étrangers
on s'y battait parfois,car elle était bien virile.Pourtant personne n'avait l'air de voir que mon sexe
hésitait entre le taffar et le tahan.
En dehors de l'image de mon père accroupi dans sa prière je n'ai eu avant de faire mes douze ans
aucun contact avec la religion de mes ancêtres,car dans le coin aucune mosquée ne pointait son
minaret.Pour l'Aïd je me bornais à me bourrer de cornes de gazelle,de makrouds et de zlabias,et
à déguster en famille le mouton que mon père n'égorgeait plus sur le balcon,bien conscient pour
qu'il soit halal,en souvenir d'Abraham,un nom juif qui n'était celui d'aucun de mes potes.En effet,la
police de proximité était venue pour qu'il arrète cette pratique dégueulasse,aprés une plainte
de la portugaise qui en avait marre de voir du sang couler sur les tomettes de son balcon.
Mais cet âge fut celui de ma circoncision.
Tout s'est passé dans une cave de l'immeuble,celui-là même où avaient lieu les tournantes
J'ai été présenté à un type tout ce qu'il y avait lieu de quelconque,un immam autoproclamé dont
je neconnaissais pas cette spécialité,vu que c'était le successeur de mon père dans sa boutique
d'épicier rachetéepour une bouchée de pain..Il m'expliqua les obligations et les interdits de l'
Islam,ainsi que les symboles.D'abord la prière que le bon musulman doit faire cinq fois par jour
tourné vers la Mecque,un endroit dont j'entendais parler pour la première fois.Puis la propreté
qui impose les ablutions qu'on doit faire,même avec le sable du désert s'il n'y a dans le coin
aucune oasis,pas plus que de puits ou d'eau courante au robinet.Quand on va aux toilettes,me
dit-il,il faut toujours se torcher de la main gauche car la droite doit rester pure pour servir les
invités qu'Allah nous envoie et rouler la boulette de couscous.Il racontait tout ça avec des intona-
tions bizarres qui ressemblaient à celles du muezzin,en brandissant bien haut un livre trés mince
à la couverture gravée d'or ,sans doute un Coran,et un gros bouquin qu'il m'a dit être le recueil
des interprétations des Docteurs de la Loi.Il avait l'air sérieux,comme un Pape,mais tout ça me
faisait rigoler en dedans,au point d'être obligé de réprimer un fou-rire,celui d'un buveur de pastis
bien tassé avecdes rondelles de saucisson,qui ne se gêne pas pour manger,boire et fumer bien
avant que ne tonne le canon de la fin du Ramadan.Enfin,je faisais comme les filles,je ne sortais
jamais du petit coin sans faire un détour par la salle de bains pour me laver les fesses et les
mains.Mais j'ai beaucoup moins ri quand il a sorti des plis de sa gandoura le grand couteau
bien affûté qu'il aiguisa un peu plus sur une marche d'escalier.Cet instrument,m'expliqua-t-il,
allait faire de moi un vrai musulmqan,un fidèle serviteur d'Allah en supprimant la partie femelle de
mon petit zobi.Il tira sur le prépuce qu'il trancha d'un coup vif,aussi rapide que l'éclair.Déculotté,je
me suis penché en avant,cassé en deux par une épouvantable douleur,lorsque je l'ai entendu
dire en bon français,"Merde,j'ai oublié de l'anesthésier!".Puis,contemplant mes fesses à l'air et
mon anus béant,il me demanda si par hasard je ne serais pas tapette,pendant que je me deman
dais quel salaud de ma bande avait bien pu le révéler.Je n'ai pas répondu et,comme si ça n'avait
rien d'extraordinaire,ilparla d'autre chose,surtout de ma profession de foi,de ma chéhada qui me
ferait témoigner de l'existence de Dieu.Elle consistait à répéter trois fois"Allah Akbar,Allah Il Allalh
Allah Ou Akbar,Ou Mohamed Rassoul Allah",à genou,comme mon père,avec les mains ouvertes
vers les cieux en signe de soumission,ce qui est le sens même du mot Islam,dans la posture
de l'oeuf des champions de ski que j'avais vus à la télé pour les jeux olympiques d'hiver.Ces^
simples mots me feraient entrer pour toujours dans la Communauté des fidèles,l'Oumma,une
immense nébuleuse toujours en expansion comme l'Univers qui recouvrirait un jour toute la
terre grâce au Djihad.Elle n'
Jamais je ne suis tombé assez bas pour chercher à travailler pour ramener à mon père les quelques
euros qui auraient enrichi la chorba de la marmite culotée ou permis d'acheter le couscous de
précuit de chez Ferrero en lui évitant de rouler tous les jours la semoule grossière qui était l'ordi-
naire de la famille,ou de dispenser mes parents de la corvée humiliante d'aller faire la clôture des
marchés en plein air,quand les marchands repliaient leurs tréteaux,juste avant le passage de l'arro-
seuse municipale,les légumes et les fruits à moitié pourris destinés à la poubelle;de faire le "profil
bas " pour récupérer chez le boucher halal les déchets de mouton dont personne n'avait voulu,en
étant accueilli par le sourire méprisant de celui qui,c'était un comble,était lui aussi un ancien
harki.
Oh,on n'était pas dans la misère et au moins on avait la paix,comme disait ma mère,qui nous
racontait ce que lui avaient dit d'autres commères en hijab,sur le palier,au sujet des atrocités
qu'elles avaient vues au bled pendan leurs vacances.Mon père semblait bien d'accord,en
hochant tristement la tête,comme s'il revoyait ce qu'il avait connu quarante ans plus tôt..
Parfois je surprenais ce croyant ffataliste,à genou,les paumes vers le ciel dans sa chambre
à coucher dont il avait chassé la marmaille,lorsqu'arrivait le vendredi.,jour de repos.Pour moi c'
est le dimanche qui était jour de fête,celui oùj'allais dans les beaux quartiers,sur un scooter
volé par un copain,pour arracher à la volée leurs sacs Vuitton à des bourges qui se rendaient
chez Picard ou Hédiart.Mais jamais je n'ai parlé de mes exploits à mes parents ,pasplus qu'ils
n'en ont profité.Ils étaient si heureux d'être en France,de n'être pas restés "là-bas" que jamais
je n'aurais osé gâcher leur joie.
J'étais le dernier des trois fils aînés.On ne me surveillait pas et je pouvais faire tout ce que je
voulais.Loin de "tenir le mur",comme je le voyais faire des jeunes d'Alger à la télé pendant le
voyage de Chirac à qui on réclamait à grands cris des visas pour la France,je portais des vête-
ments de marques et j'étais chaussé par Géox et Adidas.Tout ça venait d'un travail un peu spé-
cial.Mes parents faisaient semblant de dormir lorsque,à minuit passé,la clé de la porte d'entrée
tournait en silence dans la serrure en livrant le passage à celui qui rentrait sur ses chaussettes
avec un petit sac gonflé à bloc des beaux billets qui venaient d'un trafic de coke ou d'héroïne.
C'est comme ça que ma vie s'écoulait,pas trop malheureuse entre mes parents et mes cinq
frères et soeurs.Aucun n'avait trouvé d'emploi,peut-être à cause de leur accent de béton brut
qui rappelait en pire celui des pieds noirs.De leur teint qui avait l'air d'avoir trop pris le soleil
dans cette région parisienne pourtant bien humide.De leurs noms et prénoms qui ne sentaient
pas la Vendée ni la Touraine.Bref,pour les français de France qui nous assimilaient à des cafards
nous n'étions que des crouillats,au mieux des cailleras,comme disaient aussi les keufs.
Mais j'aimais bien ma cité,et j'en étais pas peu fier,avec sasalle de sport dernier cri où il n'y avait
que des boxeurs,son beau nom de musicien classique censé favoriser l'intégration,malgré ses
murs tagués à perpète,ses boîtes aux lettres défoncées qui n'avaient jamais la viisite du facteur,
ses ordures qu'il fallait brûler faute d'avoir été ramassées.Elles faisaient le bonheur des rats,
des chats efflanqués,des chiens sans collier,et même des renards et des cochongliers sortis de
ce qui restait de la forêt aprés le p
monté sur le toit,on distinguait au loin la Tour Eiffel.Mais ça n'avait pas duré longtemps,le petit
commerce était tombé en faillite et mon père était devenu un ouvrier clandestin du bâtiment tout
juste bon à entasser les parpaings,chômeur deux jours sur trois.
Ma mère est une oranaise du village nègre qu'on appelle comme ça je ne pas pourquoi car elle
a la peau aussi blanche que du lait de chamelle,une bête que je n'ai vue qu'au cirque ,le lait
le plus blanc d'aprés l'oncle Ahmed qui dirait n'importe quoi pour faire son intéressant.En toutcas
elle n'a pas le cheveu plus noir qu'Amalia,la pourtugaise du quinzième,à l'étage au-dessous.Je
m'en suis aperçu,un matin,le seul,où elle s'était levée en oubliant de nouer sonhijab.Ce village
"nègre" doit être un souvenir de l'époque des Deys de Turquie qui entassaient leurs esclaves d'
Afrique noire dans un quartier insalubre.Que dire d'autre de ma mère,sinon qu'elle était douce
et gentille,qu'elle se conduisait en servante de son mari et de ses trois fils et qu'elle faisait bien
la cuisine.Son seul défaut était d'être trop bavarde,un travers que j'ai hérité.
Mes parents se sont connus à Issy-les - Moulineaux.C'est là que je suis né,dans un des grands
ensembles qui n'ont de "cités" que le nom si l'on entend par là les vraies villes,celles qu'
habitent les français depuis plusieurs générations,celles où il fait bon vivre avec leur Centre,leurs
avenues ombragées,leurs restos et leurs cinémas.Moi,si je suis né français,,c'est à cause de la
double naissance en France,dont celle de mon père,né dansl'Algérie de Papa,mais j'ai bien peur
que ce soit uniquement pour la carte d'identité.En tout cas ce grand ensemble n'avait rien d'une
vraie ville.Les seules distractions étaient le terrain de foot et une maison de la culture où des
acteurs minables jouaient parfois des pièces d'avant-garde auxquelles je ne comprenais rien.
C'est aussi à Issy qu'a eu lieu le mariage de mes parents qui avaient été présentés l'un à l'autre
par des matrones.Il s"est déroulé dans la bonne tradition arabe.Il y avait toute une smala.Les
homme marchaient devant dans leurs djellabas neuves où quelques anciens combattants de
Cassino avaient accroché leurs médaillesLes femmes étaient derrière,hululant des you-yous
de leur agile langue pointue comme devaient le faire,pour attirer le client en poussant le cri du
loup,aux sombres limites de la ville,les putes de Pompéi.Au milieu la mariée trônait sur une sorte
de palanquin porté à bras d'homme.Elle était bien raide ssous sa coiffure empesée,les mains
rougies au henné,les yeux tartinés de kohl,avec un collier où pendait une main de fatma.Elle
devait étouffer enplein mois de juillet sous une lourde étoffe damassée,rehaussée de broderies
de fils de simili-argent et de faux or et de bijoux en toc.Elle était inondée deparfum à trois sous
comme la pute bon marché dont j'avais un jour,sans succés,loué les services pour tester ma
virilité incertaine.
Tout ça je le sais par Chérif,l'aîné de mes frères,qui avait droit à un statut spécial lui perrmettait
de recevoir les confidences et les souvenirs de notre père.C'est la tradition chez nous.Moi,de
la vie antérieure de mes parents je n'ai connu que cette "barre" qui de chocolaté n'avait que la
couleur de peau de la plupart des locataires.Mais j"ai oublié de tout vous dire,à savoir que ma
mère,au mariage,était déjà empâtée,grasse à souhait pour le grand bonheur de mon père qui
lui a fait six gosses en six ans,aprés ces noces qui se sont achevées au tam-tam des derboukas
dans le grand hôtel - restaurant du coin,le Marrakech..C'est tout juste si les invités;avant de
rentrer chez eux;n'ont pas exigé qu'on secoue à la fenêtre de la chambre nuptiale le drap rougi
de la mariée..Quand ils sont passés à la caisse;les époux se sont aperçus qu'ils étaient
endettés pour cinq ans;même en n'offrant que des gazouzes et de l'orangeade;à cause de
l'orchestre oriental et d'une belle danseuse du ventre,une chrétienne qui travaillait unpeu
partout,mêmeen Egypte.C'est l'addition qui a causé la faillite de mon père,cet homme d'honneur
qui tenait à être considéré par son entourage comme un bon payeur.Mais je crois qu'il aurait de
toutes façons connu la faillite,ce drôle decommerçant qui,àl'étal des tomates et des pommes,
laissait toujours le client choisirl les plus belles,celles de son "devant,en lui laissant sur les
bras les plus moches,les invendables,celles de son "derrière".C'était toujours comme ça,il
laissait toujours choisir,mon brave type de père.Quand on lui demandait si mon prénom,
Habib,se traduisait en français par Aimé ou bien par Désiré,il repondait toujours:"Ci com' ti
vô! Cit o choix".
Chez moi on ne parlait qu'arabe .C'était loin dêtre la langue du Prophète;notre vocabulaire
était un mélange d'arabe,de berbère algérien,de français,avec une pointe de sicilien..C'est cette
sorte de dialecte qu'on parlait aussi dans les entrées d'immeuble et sur les paliers des étages.
On y prenait plaisir à faire peur aux petits vieux avec notre accent de rhinocéros,en parlant
fort,en leur faisant des grimaces etmême en faisant semblant denous battre.Les têtes blanches
attendaient qu'on soit partis pour essayer de prendre l'ascenseur dont on avait déglingué la
machinerie rien que pour les embêter.C'est là aussi qu'on préparait un "coup" juteux et les
petits sachets blancs ou une expédition en règle pour punir les blacks de la cité à côté,ceux qui
nous faisaient concurrence pour le bisness de la drogue ou nous dénonçaient à la police de
proximité pour avoirl'indulgence du tribunal pour enfants.Enfin c'est notre langue bâtarde
qu'on employait pour morigéner(un joli mot qui me plaît bien) nos petites soeurs en mettant
un peu de plomb dans leurs têtes sans cervelle.Y'en avait qui avait des jupes,toujours noires
comme si elles étaient en deuil de leur pucelage,si courtes qu'en se baissant elles montraient
leur cul,sans parler des bazouls,ces petits nichons qui avaient l'air de vouloir s'envoler des
soutien-gorges en toile d'araignée..Parfois ça se terminait par une râclée dans le local à
poubelles,à coup de manches à balais ou de battes de base-ball,jusqu'à ce qu'en chialant
elles demandentqu'on arrête.Un jour il y a eu une morte:celle qui a été brûlée vive par un copain
dont elle ne voulait plus.C'était encore plus grave que le jour où le gardien d'immeuble a
prévenu les keufs que,dans une cave,une "tournante" tournait mal parce que la fille avait bien
voulu pour le premier mais pas pour les suivants qui avaient pris la file à l'extérieur.
Comme tous mes copains,saut le fayot à qui un vieil instit' socialiste a prédit qu'il serait un
jour ministre de la République,j'ai été un trés mauvais élève dés lecours préparatoire.Elle ne
dira pas le contraire ,la petite blondasse qu'on a envoyée en congé de six mois pour dépression
aprés seulement huit jours de classe,un record paraît-il..Pendant qu'elle écrivait au tableau,on
rotait,on pétait,on faisait des grimaces dans son dos.Certains faisaient même semblant de se
branler au fond de la classe ou lui faisaient des "doigts".D'autres la raccompagnaient au bus
en prétendant la protéger.On espérait être débarrassé pour toujours de ces pourris d
'
instit'.Hélas,ça a été une autre paire de manches avec le remplaçant,un karatéka velu comme
un ours.Avec la bénédiction des parents il a envoyé au tapis deux ou trois de ceux des quarante
zèbres qui couraient moins vite que lui.
A seize ans a pris fin ma scolarité obligatoire.J'y suis resté fidèle jusqu'au C.M.2. lorsque l'école
m'a plaqué plus que je l'ai quittée,sachant tout juste lire,écrire et compter sur mes doigts,sans
être capable de résoudre une fraction ni de faire une règle de trois.Mais c'est pas pour ça que
je suis allé plus loin que Alif,Bâ,Tata ou Ouahed,Zouj,Tléta.Bien que je sois assez costaud pour
rouler des mécaniques,je n'ai réussi dans aucun sport.Je trouvais ça trop fatigant.Pas davan-
tage dans le rap ou le slam,trop virils pour ma voix de flûte.Dés que j'ai eu fini d'emmerder mes
maîtres la rue m'a repris à plein temps car c'était mon élémént naturel,mon "liquide amniotique"
d'aprés le psy àl'air cinglé à qui m'avait envoyé cette conne d'infirmière scolaire,en désespoir de
cause..J'ai traîné un peu partout où il y avait à se faire du fric,du flouze,du pèze,surtout aux
Champs.Ils me fascinaient tant,le soir,avec leurs vitrines flamboyantes,que je me mettais souvent
dans la queue des manifs pour me servir aprés avoir cassé les vitrines à coup de pieds.Mais le
plus souvent c'est pas trés loin de chez moi,au cas où il me faudrait opérer un repli stratégique
que je "travaillais" en chapardant dans les grandes surfaces sous le nez de vigiles assez cons
pour confondre un gamin trop bien sapé avec un client.J'en ai mis le feu,à des voitures,le
samedi soir,parfoisà la demande des propriétaires qui voulaient toucher l'assurance et,en
attendant,me donnaient un beau pourboire.Surtout pour les fêtes chrétiennes de fin d'année
qu'il fallait bien célébrer par un grand feu d'artifice.J'en ai caillassé,des docteurs,des infirmiers,
des pompiers et des keufs,pour les empêcher de faire leur boulot,uniquement pour m'amuser
Surtout les keufs,parce qu'ils avaient la sale manie,passé minuit,de me demander mes papiers
aprés une toute petite émeute où ces femmelettes n'avaient eu que quelques blessés,parce que
jj'avais remonté ma capuche pour ne pas prendre froid,comme je l'avais promis à ma mère et
je le leur expliquais.
Je m'appelle Habib.C'est comme ça que je suis inscrit à l'Etat civil,registre des naissances et que je le serai à celui des
décés,trés bientôt.C'est en effet aujourd'hui,vers midi que je me suis fait sauter avec une bombe artisanale talibane,à
des milliers de kilomètres de chez moi.Jusque-la on m'appelait Bibi,c'était le gentil surnom qu'avaient imaginé mes chers
parents pour que j'aie l'air bien français.Au début je l'avais trouvé ridicule en apprenant d'un copain que,dans le temps,un
bibi était le petit chapeau que portaient les vraies françaises qui avaient renoncé à se coiffer "à la belle poule" pour adopter
une sorte de poulailler plein de salade,de fleurs et d'oiseaux de paradis,une vraie jardinerie en balade.Puis j'ai changé d'avis
vers l'âge de quinze ans j'ai trouvé dans une benne à ordures ce petit galurin qui m'a valu le succés au bois de Boulogne
lorsque,en bas résilles,le décolleté bien ouvert et le short provoquant,j'intéressais les amateurs de petites fesses rondes
et de croupes ondulantes.Mais avant de vous parler de ma vie et de ma mort,il faut que je vous présente ma famille