qu'aux jeunes comme moi ou aux athées mais à tous
qu'aux jeunes comme moi ou aux athées mais à tous les infidèles pourvu qu'ils prononcent les mots
sacrés aprés s'être fait circoncire.C'est alors seulement qu'il me délivra et que j'ai pu rentrer chez
moi en gueulant,en pleurant,en soutenant mes tripes,les cuisses pleines de sang séché.
Quelques années plus tard j'ai fait la connaissance d'un jeune pakistanais qui venait de Birmingham.
Quand je lui ai demandé pourquoi il était venu à Issy,il m'a répondu que c'était en touriste,cequi m'
a étonné vu le charme de nos grands ensembles.Nous avons beaucoup marché en parlant de la
circoncision comme de vrais adultesI.Il était trés savant et m'a expliqué que bientôt elle serait
universelle.Déjà 4O% des suisses et des chrétiens britanniques la pratiquaient sans craindre
d'être confondus avec des juifs ou des musulmans et ça se faisait aussi chez 7O% des améri-
cains et IOO% des chrétiens coptes d'Egypte.Bientôt ce serait tout le globe terrestre car c'était
la résurrection,pacifique mais efficace,de l'Islam des conquêtes.
Un jour,je me baladais seul,mains dans les poches de mon survêt' de luxe en me demandant
ce que j'allais bien pouvoir faire de ma putain de journée,car je n'avais pas envie d'aller voler.
Soudain j'ai entendu derrière mois un pas précipité et une voix essoufflée qui criait"stop!
Astenna Bibi!".C'était mon pakistanais,accompagné d'un drôle de type à longue barbe noire,
vêtu d'une sorte de chasuble aussi blanche que la calotte qu'il avait sur la tête.Il avait le teint
clair et même pâle,un teint qu'on ne voit jamais dans les grands ensembles.Au début il m'a
amusé,avec son air renfermé,avec sa barbeet sa camisole qui le faisaient ressembler à un
essaim de mouches tombé dans une tasse de lait.Le pakistanais nous présenta l'un à l'autre.Il
s'appelait Salem et nous nous sommes embrassés à la mode arabe,épaule contre épaule.Le
pakistanais disparut aussitôt et nous nous sommes promenés,au début sans parler,en nous
tenant par le petit doigt,ce que j'ai tout de suite trouvé trés sympa.Puis,aprés avoir dépassé le
terrain de foot où,au lieu d'être en classe,des gamins de couleurs différentes s'acharnaient à
jouer à Zidane en se faisant des passes,parfois à soi-même,des crochets et des passements de
jambe,Salemme prit doucementpar le bras en me disant"laisse ces idiots!Ils seront peut-êtreun
jour pleins d'argent mais ils n'auront jamais les vraies richesses,celles qui viennent de la Foi,
celles qui s'offrent au bon musulman.J'ai des choses à te dire,des choses bien plus intéressantes
que de taper du pied dans un morceau de cuir.".A cet instant son front se fissura de rides
comme le sol aprés un tremblement de terre.Ses yeux brillaient d'un feu intérieur,comme les
braises d'un kanoun que le vent attise..Je trouvais un peu bizarre qu'il m'appelle sans arrêt "fils"
ou "frère",puis je me dis que ça devait être l'usage,là d'où il venait,ce que je ne savais pas
encore.Il parlait beaucoup,trés bien,en fixant la pointe de ses babouches,avec des gestes qui
me rappelaient ceux du prêcheur dans le minbar,comme je l'avais vu faire à la Grande Mosquée
de Paris,la seule fois où j'y ai accompagné mon père.Il finit parme dire qu'il venait du Yémen,un
pays trés pauvre mais de grande foi.Il affirmait que,bien aprés la fin du colonialisme officiel,
l'Occident traitait les musulmans comme des chiens,exploitait honteusement leurs richesses;les
bafouait et les méprisait.Ilfallait rendre coup pour coup,se venger en faisant le Djihad.Ce n'était
pas,comme le prétendent les soufis,ces médiocres trop tièdes,presque des traîtres,une lutte
intérieure du musulman contre ses mauvais penchants ou ses instincts pervers,mais un combat
armé,prôné par les salafistes qui veulent que tout soit réglé par le Coran et la Charia et que
soientà nouveau soumis,"d'himis",ceux qui pendant des siècles aprés de funestes croisades
qui n'avaient jamais pris fin,ceux qui avaient persécutés les disciples du Prophète..Les chiens,
c'esr chez les roumis qu'ils se trouvaient.
Les traits de Salem s'étaient alors froissés dans un affreux rictus.Il crachait par terre en signe de
mépris.Alors qu'il n'avait pas l'air d'être beaucoup plus vieux que moi,il me semblait presque
aussi "chibani"(vieux) que mon père.Brusquement,il dût avoir trés chaud car de pâle il était
devenu aussi rouge que la harissa du couscous.Il ôta sa calotte et j'eus devant moi un mont
chauve,le crâne nu d'un